La musicalité du vin dévoilée

Julien Gernay - Vinophony

Entretien avec Julien Gernay, pour le site classiquenews.com – février 2020, autour de l’album Vinophony.

Comment se construit et se précise dans votre imaginaire la connexion musique et vin ?

Au départ, c’est la forme du son qui m’a guidé. En effet, j’imagine que le son est une matière à modéliser depuis le clavier qui donnera à sa vibration une forme dans l’espace. Cela peut sembler abstrait mais lorsque je suis assis au piano, j’ai vraiment la sensation d’observer cette matière sonore, de la voir se matérialiser, se dessiner et se transformer. Imaginer le son est un élément essentiel du piano car il faut accompagner sa vibration après l’attaque de la touche et ainsi relier les résonances harmoniques entre elles.Ces idées se retrouvent également avec l’univers du vin.

Si la couleur et l’aromatique d’un vin semblent définir en premier ses qualités, j’ai compris avec le temps que la composition de sa matière en bouche était la clé de sa singularité et de l’identité de son terroir. Il existe alors une infinité de textures, de densités que l’on peut ressentir au contact des grands vins : ce sont ces matières qui stimulent l’imaginaire et permettent au corps et à l’esprit d’entrer en vibrations communes avec la musique.

Comment se cristallise l’adéquation entre une partition précise et le vin qui lui correspond ?

Le caractère d’une oeuvre, son tempo et sa ponctuation peuvent offrir une grande variété de sonorités. L’écriture musicale propre à chaque compositeur comporte de nombreux aspects que je peux matérialiser par différents jeux pianistiques. La vitesse de frappe du doigt, la manière de prolonger ou d’écourter le son ou encore l’intensité de pression sur la touche sont autant d’éléments qui agissent sur la perception de l’auditeur.

De même, si le vin est léger ou puissant – d’une texture fluide et acidulée – ou alors d’une grande densité aux tanins veloutés, les sentiments vécus à l’écoute de la musique et à la dégustation d’un vin seront tout à fait nouveaux. C’est pour cela qu’un vin blanc vif de bonne acidité s’accommodera à merveille à un Impromptu énergique et accentué de Schubert ou qu’un Intermezzo langoureux de Brahms vibrera harmonieusement à la dégustation d’un vin rouge profond et soyeux.

Comment avez vous élaboré la dramaturgie de votre programme ?

Il existe tant de musique pour le piano et tant de vins qu’il a fallu beaucoup de réflexion pour sélectionner les douze oeuvres et les douze vins qui composent le programme de l’album « Vinophony ».

J’ai pu profiter de mon expérience de musicien et de mes rencontres avec les vignerons afin de choisir les oeuvres et les vins qui me touchent le plus et qui, selon moi, rassemblent une gamme d’expression la plus large possible.

Cet album est d’abord destiné à l’écoute : c’est pourquoi j’ai construit le programme en alternant oeuvres longues et courtes, vives et langoureuses. Beaucoup de compositeurs de différentes époques sont réunis : cela m’a permis d’explorer une palette de textures et de sentiments nuancés. C’est par cette diversité – un peu à la manière d’un menu – que j’ai souhaité rendre l’ensemble « digeste ».

Lorsque je modélise la texture du son au clavier, l’intimité que j’ai avec chaque pièce du programme m’a permis d’associer à chacune le vin qui révèle à mes yeux la part de mystère qu’ils ont en commun.

Il m’a fallu entrer en profondeur dans la compréhension des styles musicaux et des différents terroirs viticoles pour élaborer ce projet.

A mon sens, le musicien et le vigneron partagent cette quête d’un idéal qui uni l’homme à la nature, l’âme à la spiritualité. L’ambition de Vinophony® est de créer une nouvelle expérience sensorielle en partageant toutes ces émotions qui nous rassemblent.